La malnutrition peut se manifester de différentes manières et pour différentes causes.
La sous-alimentation et la surcharge pondérale ont toujours été considérées comme des problèmes distincts et présents dans des populations présentant des facteurs de risque différents. La sous-alimentation a toujours été associée à la pauvreté, à l’insécurité alimentaire et aux infections, tandis que l’obésité l’était à une plus grande aisance et à un mode de vie sédentaire: aujourd’hui, les deux formes de malnutrition peuvent être présentes au sein d’une même communauté.
Il y a encore quelques décennies, le terme de malnutrition était associé à l’image d’enfants maigres, au ventre proéminent par manque de protéines, de petite taille ou chétifs, c’est-à-dire souffrant de ce que l’on appelle la malnutrition par défaut (stunting ou wasting): un déficit en calories, un déficit en macronutriments (glucides, protides, lipides) et en micronutriments (minéraux: pensez au manque d’iode et aux problèmes de thyroïde; et vitamines: la carence en vitamine D était jusqu’aux années 1950 un problème de santé majeur en raison de son influence sur le squelette).
Ces dernières années, la malnutrition a connu un brusque revirement et les cas de malnutrition par excès ont commencé à augmenter: le surpoids et l’obésité sont devenus de plus en plus fréquents, même chez les enfants et les adolescents, avec des conséquences respiratoires, cardiovasculaires et psychologiques importantes.
Le triple fardeau de la malnutrition (sous-nutrition, carence en micronutriments et surcharge pondérale) a différentes origines: il peut s’agir d’une nutrition maternelle inadéquate, d’une alimentation pauvre en micronutriments pendant l’enfance et de changements dans le système alimentaire qui exposent davantage à des aliments riches en sucres simples et en sel, mais pauvres en nutriments essentiels. Un autre facteur qui a joué un rôle est l’infection pandémique par la COVID-19, qui a entraîné une augmentation de l’insécurité alimentaire et a affecté le bien-être psychologique de nombreux adultes et, en particulier, d’enfants et d’adolescents.
Nos modes de vie inactifs, la disponibilité excessive d’aliments hypercaloriques et bon marché, les interactions sociales de plus en plus virtuelles ont contribué à ce renversement, et les taux de surpoids et d’obésité ont augmenté de façon spectaculaire. Des maladies que l’on croyait dépassées réapparaissent: alors qu’au siècle dernier, les causes pouvaient être le manque de connaissances et l’accès difficile à l’alimentation et aux soins, aujourd’hui, les facteurs causals sont psychologiques et parfois psychiatriques.
Des conditions médicales telles que les troubles psychiatriques, l’anorexie mentale, la maladie cœliaque, la maladie de Crohn, l’hémodialyse et les allergies alimentaires majeures peuvent augmenter le risque de carence en micronutriments.
La sélectivité alimentaire, de plus en plus fréquente chez les enfants pour des raisons psychologiques plus ou moins graves, dont la récente infection pandémique COVID-19 n’est pas la moindre, peut fortement affecter le développement des sujets en croissance. Un des exemples dont la littérature rapporte plusieurs cas est le scorbut. Selon une revue de littérature récente, bien que considérée comme une maladie rare dans les pays à revenu élevé, le scorbut, causé par une carence en vitamine C, dont les complications peuvent être fatales, a récemment été de plus en plus signalé chez les enfants, en particulier chez ceux qui ont des habitudes alimentaires restrictives ou un handicap mental ou physique. En raison du large spectre clinique (affections musculo-squelettiques et/ou lésions cutanéo-muqueuses ou symptômes systémiques), le scorbut peut mimer plusieurs affections, notamment des maladies auto-immunes, des infections et des néoplasies. Selon l’étude en question, le scorbut devrait être considéré chez les patients présentant des troubles musculo-squelettiques, non seulement chez ceux présentant des facteurs de risque mais aussi chez les enfants en bonne santé.
J’ai moi-même étée récemment témoin d’un cas de scorbut dans l’hôpital pédiatrique où je travaille à Gênes, en Italie. La carence en vitamine C entraîne une fragilité vasculaire et une altération de la formation osseuse chez le patient qui présente des saignements gingivaux, des pétéchies, des douleurs osseuses et articulaires. En outre, les enfants peuvent manifester de l’irritabilité, de l’anorexie et un retard de croissance. Ces cas s’expliquent notamment par le fait que le régime méditerranéen traditionnel en Italie cède la place à des régimes dits « occidentaux », où prédomine la consommation d’aliments prêts à l’emploi, pauvres en fibres et riches en exhausteurs de goût. De plus, dans certaines familles, la consommation de fruits est quasiment inexistante. Il est donc difficile d’aider un enfant si toute la famille ne décide pas de changer son mode de vie.
Au cours des siècles passés, le monde a connu une croissance économique sans précédent, accompagnée d’un progrès scientifique et d’un développement technologique extraordinaires. Cependant, les bénéfices n’ont pas été partagés équitablement et la malnutrition persiste. Les interventions politiques qui seront certainement nécessaires devront tenir compte de l’effet sur la santé environnementale et humaine afin de répondre à cette urgence sanitaire qui, sinon, perdurera et s’aggravera.
Les indications et les exhortations sont toujours les mêmes: n’oubliez pas de manger de vrais aliments (composés à partir d’aliments de base et non de plats préparés), surtout d’origine végétale, dans les quantités dont votre corps, et non votre esprit, a besoin, et utilisez cette incroyable machine qu’est votre corps, en écoutant attentivement les signaux de la faim et de la satiété.
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